Et de rappeler le « Sauvage » de l’enclos de nature que Pétrarque a désigné comme jardin près des sources de la Sorgue, le « sauvage » qualificatif utilisé par J.J. Rousseau fait écho au paysage originel mais il est aussi politique. Au XIXème siècle, l’utilisation qu’en fait le paysagiste William Robinson désigne un nouveau rapport à la nature, à travers le jardinage, nature déjà chahutée par la société industrielle.
A chaque époque son sauvage, on peut s’interroger sur la manière dont notre époque, confrontée à la crise écologique, met du sauvage partout, dans les jardins – il est question de jardin sauvage, jardin naturel… – dans l’utilisation d’un vocabulaire technique (renaturation, etc), dans le choix d’une palette végétale indigène… Le sauvage pour le jardinier c’est aussi composer avec les échappées de la nature, c’est trouver dans la nature un apport poétique au projet de jardin : « Ainsi le jardinier n’est pas disposé à renoncer au « sauvage » (…) Il pressent aussi que cette part de sauvagerie que l’homme d’aujourd’hui cherche maladroitement en dehors de lui – dans les jardins, les forêts, les marges du paysage contemporain (…) n’est pas une simple illusion. Elle correspond à quelque chose qui en lui résiste, qui ne peut se laisser civiliser. » (Marco Martella, introduction).
On notera particulièrement les articles d’Emanuele Coccia, d’Andy Goldsworthy, d’Yves-Marie Allain, le très beau témoignage sur « Rome, ville ouverte » de Monica Sgandurra, un très joli texte – « Un fioretto » – d’Erwin Enzler, agriculteur d’origine allemande qui vit en Picardie et y jardine dans une communion enchantée avec la nature, comme dans les « fioretti » de Saint-François d’Assise.
Au total, dix beaux textes.
Michel Audouy
- Collectif ss la direction de Marco Martella, éditions Les pommes sauvages, septembre 2020, 16 euros.