Militant insatiable de cette cause, Michel Racine propose d’emblée un historique des jardins thérapeutiques, des temps les plus reculés aux périodes les plus récentes. Où l’on se rend compte que l’hortithérapie émerge tout juste en France alors qu’aux USA ou Angleterre elle est presque une science. Yves-Marie Allain poursuit dans la même veine revenant, en fin d’ouvrage, sur les vertus du jardin à travers l’histoire en France.
Le paysagiste Michel Péna choisit d’introduire son article par un extrait saisissant du « Goût de la cerise » du réalisateur Abbas Kiarostami ; tout est dit dans ce choix, celui d’un concepteur qui vit le paysage intensément et restitue ce sentiment personnel dans ses projets. Pour Michel Péna, le paysage est une manière d’être au monde et d’en jouir. Le rôle des paysagistes est de redonner « le goût du dehors, du vent, de la pluie, de la terre… du temps et des autres ». Il n’y a pas de plus belle mission.
L’historien des jardins Hervé Brunon se livre dans un grand chapitre à un commentaire nourri de la pensée de quelques grands théoriciens de notre relation au jardin, à la nature et finalement au monde. Parmi eux, Henry David Thoreau, Pétrarque, GLF Ferrari, Philippe Descola, Gilles Clément. L’auteur, dans sa grande érudition, puise dans différentes cultures et s’attarde notamment sur un extrait de la genèse, sur le jardin achuar ou les philosophes chinois, pour conclure sur les relations de « parenté et solidarité » plutôt que de « séparation et domination » qui doivent désormais nous lier à la Terre. Prendre soin de la terre c’est prendre soin de soi.
Anne et Jean-Paul Ribes, Jay Rice, et Sylvain Hilaire ont placé le jardin au cœur de leurs missions de thérapeutes, ils en témoignent à travers leurs expériences à l’hôpital de La Pitié Salpêtrière, à la maternité de Port-Royal…, et leurs enseignements. Le psychothérapeute Jay Rice décrit notamment, comment il a placé le rythme des saisons – celui de la nature et des jardins – à la base de sa pratique.
Difficile dans cette note de lecture de rendre compte de la richesse des différents articles et de tous les présenter. Signalons toutefois, les belles pages de la philosophe Alexandra Cook sur « la botanique comme unique pharmacie » de Jean-Jacques Rousseau, et le très juste regard de l’auteure italienne Pia Pera sur « L’esprit de la terre », ce qu’au fond l’acte de jardiner, aussi modeste soit-il, signifie pour l’être humain.
Michel Audouy
- Collectif, ss la direction de Marco Martella, Editions du Sandre, 131 pages, 16 euros.