On notera de nombreuses contributions sur la photographie comme outil de lecture et d’invention. La photographie, depuis son apparition au XIXème siècle est utilisée pour l’appréhension des paysages (Mission Héliographique notamment), avec des techniques et des protocoles différents suivant les époques et les commandes. Ces dernières sont parfois très contraignantes, pour les artistes comme en témoigne, tout en se questionnant sur son rôle, le photographe Thierry Girard, au à propos de son expérience à l’Observatoire Photographique du ministère de l’Environnement. Danièle Méaux interroge le photographe Benoît Grimbert sur son travail en milieu urbain et périurbain où son objectif s’attache à saisir les zones intermédiaires entre le bâti et le non bâti. Il raconte comment la ville ajoute une nouvelle couche à un territoire existant : traces, fragments de ce qui reste… constituant sa matière.
Beaucoup d’artistes actuels s’intéressent à la transformation des paysages sous la pression urbaine pour la donner à voir, la dénoncer quelquefois, ou poser sur ce phénomène si banal un nouveau regard, un regard « pittoresque » sur les ruines de l’industrie et de la modernité. Le groupe Stalker, créé en 1995, marche dans les zones désaffectées des grandes métropoles européennes en identifiant les processus de changement des lieux, et des zones libres en attente. Les marches initiées par ce groupe sont des actes esthétiques et militants, des « dérives situationnistes », l’acte même de marcher, par les biais qu’il propose, réinvente la ville. On retrouve la marche dans le chapitre consacré au grand artiste de Land Art Robert Smithson à qui l’on doit une certaine « mise en pittoresque » des lieux marginalisés. Depuis plusieurs années, l’écrivain Jean Rolin décrit dans son œuvre ce même type de paysages : les zones, les périphéries, les marges.
Changement de territoires (enfin, pas tout à fait) dans les quelques pages consacrées au film documentaire le « Temps des grâces » de Dominique Marchais, bouleversant état des lieux du monde paysan français.
Le dernier chapitre, Mobilités, traite de la question du paysage au cinéma essentiellement, avec en introduction une fine lecture des œuvres de Camille Corot, peintre précurseur de la représentation de « la transformation et de la dégradation des paysages » au XIXème siècle.
Paysages en devenir donne des pistes pour appréhender les changements incessants qui affectent le territoire, et peut-être pour y répondre plus justement, en s’appuyant sur la sensibilité des artistes et des plasticiens.
- Collectif, ss la direction de Fabienne Costa et Danièle Méaux, éditions de l’Université de Saint-Etienne, coll. Arts, 254 pages, 23 euros.